20 juin 2010

Riri dit le Flouze Brother

Riri c'est un gars qu'a avancé sans faire trop de boucan. Je dis « trop » parce qu'à côté de ses collègues c'est un p'tit bras. Il a passé la moitié de son temps chez les privés & l'autre chez les lents.

Quand il était avec la bande d'agents privés, son truc c'était de vérifier si les boss claquaient le fric comme il faut. Par contre, il s'est fait remonter les bretelles quand il a bossé dans les bureaux dans le Nord. Là-bas y faisait péter la carte comme un gamin qu'a pas appris que les additions ça finit en soustractions. Comme quoi c'est pas parce qu'on apprend aux autres qu'on sait le faire soi-même ; un peu comme les entraîneurs d'équipe de France.

Entre ses aller-retour privés-public (privé = avancer, public = reculer) la bande à Chichi lui file les cordons de la bourse. Nico pousse Chichi dehors & Riri le Flouze Brother garde sa chaise. En deux mots : c'est un pro de l'oseille, mais celui des autres. Sa femme Flo, elle bosse aussi côté pognon, mais chez Lilly. Elle est pointue pareil quand on cause pépètes.

Francine la gamine

C'est la fifille à Dédé & Lilly Betenlond, c'est elle qu'a ouvert le feu. Faut dire que de nos jours c'est plus aussi facile de toucher le pactole. Les antiquités durent très, très longtemps. Avec les bonbons que nous fourguent les sondes, un vioc qu'a pas trop tiré sur le raisin, le trèfle ou la carne, y va te faire un de ces jackpots sur les années... que tu rêves d'en faire autant à Vincennes.

Tel que c'est parti, la fifille va récupérer le romagnol le jour où ses chiards fêteront l'arrivée de poussins chez leurs nains. Attendre d'être arrière-grande-doche pour plus avoir besoin de compter les zéros sur les chèques, c'est pas « top cool » comme y disent les mômes.

Lilly dite Lilly Bas-de-Laine

Tout est dans le titre. Lilly c'est la gamine à Gégène. Elle s'est entifflée avec feu Betenlond, dit Dédé, le gars à qui le daron avait refilé le guidon. Quand le vioque a eu son compte, elle a récupéré le tas de grisbi & l'affaire était entendue ; elle était calée de chez calée.

Faut avouer qu'y a quelque temps, la daronne a fait un joli coup : elle a fourgué une portion de la boîte de son dabe en échange d'un morceau de chez les pros de la mamelle. Et quand je dis les pros, les gars y sont tellement fortiches sur leur territoire qu'y a pas grand monde qui ose venir les chatouiller. Vous me direz que c'est pas compliqué de faire du beurre avec du lait, mais eux, y font pas du beurre, y se font du beurre !

À l'origine c'était une bicoque qui marchait bien, y a bientôt cent cinquante piges. Le gars Henri était le potard du coin à côté de Genève & il avait inventé la poudre de mamelle. Il a pris sa retraite & fourgué sa boîte pour un bon paquet. Les trois pères qu'on reprit la boutique ont poussé le bouchon plus loin & y sont passés du stade bricolage au niveau compétition internationale.

Tu leur files quelques litres de jus de pis & y vont te sortir une poudre de première. C'est d'ailleurs ça qu'a fait leur fortune, de la blanche pure de chez pure. Avec toutes les patates qu'y-z-ont récoltées y se sont installés dans les quartiers voisins & se font tellement de tuiles que c'est plus de la toiture chez eux, c'est du bunker. Avec ce qu'y z'ont ramassé avec la poudre y se sont mis à racheter & inventer pleins de trucs. Y savent te vendre de quoi boire ou bouffer sous toutes les formes qui existent, poudre, liquide, pâteux, solide, chaud, froid. Là où y sont vraiment forts c'est qu'avec leurs paquets y savent tout te faire ; y'z'en vendent qui te font maigrir & y'en a d'autres qui te font grossir. Tu te payes des gâteries qui te font acheter des ceintures plus longues & quand t'en as marre de filer ta fortune à la boutique de nippes d'en bas & que tu veux que les gars se retournent, y te vendent de quoi te remplir le bide avec du moins bons. C'est pas du vide, mais c'est tout comme.

La Lilly elle est pas bête, c'est maintenant la mieux placée sur ce qui refait les girondes du dehors & du dedans. Elle sait fournir aux dulcinées de quoi se foutre du sucre sur la gaufre, avoir le cuir tendu comme une jeunette & se remplir le bedon sans stocker autant de saindoux qu'une truie bonne pour la casserole.

Faut avouer que côté ronds elle a ce qu'y faut pour se chauffer été comme hiver. Elle en a tellement qu'elle a de la main-d'œuvre qui passe son temps à faire & refaire les additions pour s'assurer qu'y manque pas une bille. Enfin, question bille... c'est dans la catégorie bowling qu'elle joue la Lilly.

Gégène dit le chimiste

J'vais passer un peu de temps sur lui parce qu'il est plus là & que c'est lui qu'est au départ de tout.

Gégène était le gamin d'un fabricant de bricheton qui pratiquait dans le quartier du cherche-midi. J'parle de lui à l'ancien temps vu qu'y s'est chopé la carline y a tellement de lustres qu'on pourrait éclairer Vaugirard sans soucis. Il a vécu dans cette époque ou Marthe faisait des dégâts & les grues, de la débutante à la cendrée, se retrouvaient à la rue. Pour closes, les baraques elles étaient closes.

Avec tout ce monde dehors, les épouses miraient maintenant les marmottes dont on leur avait tant causé. La vérité leur sauta à la tronche. Y-avait de la concurrence & de la sérieuse ; de la domestique & de l'import, tous les goûts dans la pâture. Y fallait maintenant qu'elles revoient leur vernis.

C'est vrai que la Josette elle avait du pain sur la planche si elle voulait que son Robert y regarde pas par la fenêtre. C'est pas qu'un bon rognon au Madère qui va calmer les envies de galipettes du chéri. Et puis, le gars il a envie de nouveauté de temps en temps. C'est « l'habitude qu'est l'origine de lassitude » comme y disent dans les immeubles à moulures.

Gégène qu'avait débuté dans la production de poudres & liquides se dit qu'on pourrait se faire du beurre avec ce paquet de bergères. Y se monta une affaire, L'Auréole, & bossa comme un âne sur cette idée en attaquant le problème par le haut.

Ça faisait un baille qu'y avait du monde dans la sape & y se dit que se refaire la façade serait aussi utile. Y balança sur le marché un lot de rouillardes qui te refaisait le feuillage dans tous les sens. Aplati, en tire-bouchon, de la couleur que tu veux, tu sortais la tête du bidet & t'avais les tifs comme la voisine d'en face ou la pro du bout d'la rue. Y-a pas à dire, avoir de l'Auréole sur la tronche, ça change.

Après s'être fait du beurre avec le crin, le Gégène se remit à la paillasse & sortit de la came pour le reste. Et quand j'vous dis le reste, c'est vraiment tout le reste. De la tronche aux arpions, y'avait tout & n'importe quoi pour n'importe où. De l'apprêt pour lisser la tronche, de la peinture pour avoir les billes de la même couleur que le porte-appas, de la teinture pour être unie des poils du gousset à la moniche... tout, tout, tout.

Ce qui était bien pour lui c'est que sa production marchait avec tout le cheptel. Les daronnes reprennent de la jeunesse, les boutures se disent fleurs, les pros se font passer pour des débutantes en chasse d'un décapsuleur & les hirondelles se présentent comme expertes dans le maniement du goupillon.

En bref, les Jules cocufiaient dans leur paddock avec leur gonzesse ! C'est sûr que les macs ont pas aimé ça. Y-avait tellement de viande sur le marché qu'ils ont dû casser les prix pour tenir le choc.

Bien installé sur le visible & les confrères courant comme des branques derrière lui, Gégène continua son bisenesse. Y se lança sur le tarin avec des poudres qui empêchent de sentir le lapin ou le poisson. Une fois qu'on dégage plus du fétide, on veut donner dans la rose. Pas raté, le Gégène se mit à en vendre. Après toutes les couleurs, toutes les odeurs. L'Auréole ramenait tellement de billes que Gégène faisait ses courses en reprenant les concurrents dans son écurie.

Avec tout ça Gégène a encaissé un paquet de biftons & c'est ce tas de bijoux qu'est la cause de ce qui suit.

Le réveil

J'étais pas au lit depuis deux plombes que v'la't'y pas que le vendeur de canards se met à gueuler dans la rue :


— L'Auréole ! L'Auréole ! Lilly à la une ! L'affaire Lilly à la une ! Un ministre est dans le coup !

Manquait plus que ça, un ministre. Et pourquoi pas le pape, pendant qu'ils y sont les journaleux. Z'ont pas grand-chose d'autre à se mettre sous les crocs les pisseurs d'encre. Faut avouer que la Madame Lilly, elle a pas de beaux jours devant elle. Ils arrêtent pas de lui tirer dessus depuis quelque temps.


Histoire que vous ayez une petite idée de quoi on va jaspiner, j'vais vous affranchir rapidement de qui qu'on cause.