Le groom qui joue pile & face

Comme vous avez pu le lire, y a du monde sur scène & les petits rôles y cherchent à causer plus. Voyons un peu Pascal, dit Bébé, le laquais de Lilly. Vous savez, celui qu'a mis de côté tout ce qui se disait chez Lilly.

Des gars comme lui on en a déjà vu, y a un de ses collègues qu'avait fait fort en accouchant de toutes les histoires d'une autre Lilly, la d'Albion. En attendant, Bébé il a refilé au caneton ses notes & dedans y paraît qu'y a de quoi envoyer du monde au ballon. Le souci c'est que c'est un peu brouillon & quand on mélange les brèmes on a n'importe quoi. Les diseuses de bonne aventure ont l'habitude, c'est avec le souk qu'elles peuvent lire ; les plumistes de service y se font à ce nouveau boulot. Sauf que eux c'est le contraire, y sont pas là pour dire l'avenir, on les casque pour causer du passé. Et si l'avenir on peut le corriger, le passé c'est du figé ; la seule chose certaine avec les notes : c'est le bordel.

Bébé, il avait trimé pour Lilly pendant des lustres. Si elle l'avait gardé c'est qu'il était bon, ou en-tout-cas ni mauvais ni nul. Lilly elle était tellement contente de lui qu'elle lui a refilé un pacson en cadeau d’adieu. Elle sait donner la matrone, avec l'équipe qu'elle a pour récolter, elle peut semer à l'œil chez le voisin.

Son idée à Bébé c'était de passer de loufiat à proprio d'une gargote. De plus être le larbin, mais le ponte. C'est vrai que c'est chouette d'avoir un resto. Tu fais les Chateaubriand comme tu les aimes, t'as une cave pleine de pichetegorne de première & pour le coup cette fois-ci ceux qu'en profitent, y raquent. Ça change.

Le seul souci c'est que Bébé il avait l'usage de s'occuper des généraux, pas des brigadiers, & pour que les gros y viennent chez toi y te faut de l'apparat ; que ça soit plaqué jaune dans tous les coins, que les croupes se posent sur du mou & que t'aies du monde à leur botte. Entre celui qui ouvre la porte, celle qui met les visons de côté, celui qui verse pinard, celles qu'amènent les gamelles pleines & celles qui les emballent quand elles sont vides, t'as du peuple à banquer. En plus faut qu'y soient sapés comme des milords qui vont à Garnier un soir de première & que tes filles aient des avantages qui font envie quand elles se baissent pour servir.

Tout ça coûte un max & si la vioque lui a filé un joli trousseau, c'était pas assez pour lui. Alors y se fend de tout ses souvenirs. Avec les heures de causeries qu'il a mises de côté, les gazettes ont de quoi se remplir la une pendant des mois. Et y sont contents les gratte-papiers, ils ont des trucs qu'y a qu'à recopier. Les porteurs de robe se frottent aussi les mains : tous les clients sont coincés & suivant comment on range le paquet, y sont abeilles ou y sont guêpes. Y a du chiffre en perspective.

Le valet se casse donc avec un pactole & balance tout le monde. Il est pépère puisqu'il a bavé tout ce qu'il savait & si ça part dans le fossé il a déjà tout déballé ; les képis ont pas plus à récupérer. Il est quand même pas tranquille comme Baptiste puisqu'y dit plus rien à personne, c'est son blanchisseur qui cause pour lui. Y l'a ouverte & maintenant y la ferme. On sait pas où y s'est carré, en tout cas y s'est enterré loin pour pas avoir de remontée de bretelles par la vioque & sa clique.

Avec son tas de souvenirs, en tout cas, ça fait du bruit dans Landerneau. Les pros du laïus se frottent les mains.